**El «potager de l’Europe» : guerre de l’eau en Espagne**
Dans les supermarchés français, été comme hiver, les tomates, les oranges ou les citrons originaires d’Espagne ont envahi les étals. L’Espagne est le premier producteur européen de fruits et légumes frais, exportant massivement depuis le sud-est du pays. Cependant, derrière cette abondance se cache une véritable crise de l’eau due à la sécheresse croissante. Avec 75 % du territoire espagnol menacé de désertification, la demande en eau de l’agriculture intensive met en péril les ressources hydriques du pays.
**L’histoire de l’irrigation artificielle en Espagne**
Dans les années 1960, le régime franquiste a décidé de transformer la région du Levant espagnol en hub agricole afin de dynamiser cette région pauvre. Les terres bénéficiaient d’un climat chaud et ensoleillé ainsi que d’un accès facile aux nappes phréatiques. Ainsi est né le «potager de l’Europe», irrigué grâce à l’infrastructure appelée «Trasvase Tajo-Segura». Ce canal de 300 kilomètres, mis en service en 1979, détourne chaque année des milliards de litres d’eau du fleuve Tage pour alimenter les cultures du sud-est de l’Espagne. Cependant, cette surexploitation entraîne des conséquences néfastes sur l’environnement, notamment sur le débit du fleuve et sur la température moyenne du pays.
**Les conséquences de la surexploitation de l’eau**
Aujourd’hui, 80 % des besoins en eau de l’Espagne sont dédiés à l’agriculture intensive. Cette logique capitaliste favorise l’expansion des grandes exploitations qui consomment énormément d’eau. Les minifundia, petites exploitations agricoles, perdent du terrain au profit des latifundia. De plus, les exportations massives de fruits et légumes espagnols à des prix imbattables mettent en danger les ressources hydriques de la région. Cette surexploitation de l’eau a également des conséquences sur les travailleurs, notamment les travailleurs sans papiers qui subissent des conditions de travail exténuantes.
**La nécessité d’une transition vers une agriculture durable**
La réduction de la superficie des terres irriguées est essentielle pour assurer une transition équitable de l’eau en Espagne. Cependant, de nombreux intérêts politiques et économiques s’opposent à cette réforme. Les grandes exploitations agricoles, soutenues par les communautés autonomes de certaines régions, refusent tout changement et nient le problème de la sécheresse. Malgré cela, le gouvernement central a adopté des mesures visant à réduire les transferts d’eau du Tage et à construire des usines de dessalement d’eau de mer pour pallier la baisse des ressources hydriques.
En conclusion, la crise de l’eau en Espagne menace non seulement les ressources naturelles du pays, mais aussi les travailleurs du secteur agricole. Une transition vers une agriculture durable et une gestion responsable de l’eau sont nécessaires pour préserver l’environnement et assurer une production alimentaire équitable.